Le téléphone portable est-il dangereux pour la santé? Santé

Image | Questions de science | Le téléphone portable...D'un point de vue scientifique, il n'est pas possible aujourd'hui d'affirmer que le téléphone portable est dangereux pour la santé, ni de garantir qu'il est au contraire absolument inoffensif. Aujourd'hui, c'est-à-dire au printemps 2006, nous ne le savons simplement pas encore. Le téléphone portable est un outil de communication qui a connu en l'espace d'une décennie une formidable expansion commerciale dans le monde entier. Il fait partie de ces innovations technologiques qui sont trop récentes, trop insuffisamment étudiées, pour que la communauté scientifique puisse actuellement se prononcer de manière décisive sur leurs éventuels effets nocifs pour la santé ou pour l'environnement.

Il y a bien sûr une controverse, des études alarmistes et d'autres qui se veulent rassurantes, des rumeurs qui, selon les pays et les cultures, se focalisent sur tel ou tel risque potentiel. Une étude ethnographique sur les usagers des téléphones mobiles souligne ainsi qu'aux Etats-Unis les consommateurs ne se soucient presque pas des dangers éventuels pour leur santé, alors qu'au Brésil les usagers se sentent concernés par les radiations qui pourraient affecter le rythme cardiaque (lorsque les mobiles sont portés dans une poche de veste proche du cœur) ou par des effets indésirables sur la virilité (lorsqu'ils sont portés dans la poche du pantalon). Quant aux Britanniques, ils se sentent surtout concernés par les radiations qui pourraient causer des tumeurs au cerveau.

Source: Etude «On/Off» citée par Largeur.com

Pour y voir plus clair, rappelons d'abord un certain nombre de faits:

Les téléphones portables fonctionnent par échanges d'ondes électromagnétiques (OEM) à haute fréquence, dont la gamme est comprise entre 900 et 1800 MHz – soit entre les ondes émises par un émetteur de télévision et celles d'un four à micro-ondes. Ces OEM circulent entre le portable et une série d'antennes disposées selon un réseau de mailles, couvrant le territoire desservi par le fournisseur de services auquel est abonné le d étenteur du portable.

Il faut distinguer l'effet des ondes émises par le réseau d'antennes de celui des ondes émises par le portable lui-même. Les antennes ne produisent pas des champs d'intensité plus forte que l'ensemble des autres contributions aux autres OEM ambiantes (radio, télévision, etc.). Leur directivité fait que l'intensité des champs à courte distance du pied des antennes est faible et croît lorsqu'on s'éloigne de celles-ci.

Par contre, l'irradiation par le portable est sensiblement plus importante du fait de la proximité de l'émetteur au corps – quelques millimètres. A noter aussi que lorsque les conditions de réception sont mauvaises, la puissance des ondes émises par le portable est augmentée: si l'on se trouve à l'intérieur d'un bâtiment ou d'une automobile, la puissance d'émission du portable est plus grande, d'où une irradiation accrue des tissus proches de l'oreille.

Pour étudier les effets du téléphone portable, les chercheurs ont recours à deux types d'études, épidémiologiques ou in vitro. Les études épidémiologiques nécessitent d'analyser l'évolution d'un grand nombre de personnes pendant une assez longue période. Des différences statistiques peuvent ainsi apparaître, montrant par exemple que les fumeurs ont X fois plus de «chances» de développer un cancer du poumon au bout de X années que les non-fumeurs. Concernant la téléphonie mobile, une étude épidémiologique menée à l'institut suédois Karolinska a montré que les personnes qui utilisent des portables depuis plus de dix ans ont des risques quatre fois plus élevés d'être affectés par certaines tumeurs cérébrales. Mais il s'agit d'une étude isolée, et les portables utilisés il y a une décennie étaient analogiques, différents des mobiles num ériques utilisés actuellement.

Source: «Téléphoner peur nuire à votre santé», reportage d'Alec Feuz, Temps Présent, Télévision suisse romande, 30 mars 2006.

En attendant la parution courant 2006 d'une vaste étude menée à l'échelle mondiale par l'OMS, on peut signaler la publication par l'ICNIRP (Commission internationale pour la protection contre les rayonnements non-ionisants) d'une synthèse des recherches épidémiologiques menées jusqu'en 2004. Selon cette synthèse, il n'y a pas d'évidence convaincante d'une relation causale entre l'exposition aux ondes radiofréquences et un effet néfaste sur la santé, qu'il s'agisse de tumeurs cérébrales ou de tumeurs sur les nerfs acoustiques (acoustic neuroma). L'ICNIRP précise néanmoins que l'étude souffre d'insuffisances qui ne permettent pas encore d'écarter définitivement toute association. En particulier, l'usage généralisé du téléphone portable date de moins de quinze ans – un délai trop court pour évaluer un effet à longue échéance. Dans le cas de l'amiante, par exemple, il a fallu environ 50 ans pour établir avec certitude les effets nocifs de cette substance.

Source: revue «Environmental Health Perspectives» (vol. 112, pages 1741-1754, 2004)

Les études biologiques faites sur des animaux ou sur des cultures in vitro de cellules humaines ou animales donnent aussi certaines indications. Une étude suédoise menée à l'hôpital de Lund par le professeur Leif G. Salford montre que des rats exposés au même type d'ondes que les téléphones portables, mais à des doses très faibles, présentent des fuites d'albumine dans le cortex, signe d'une atteinte à la barrière hémato-encéphalique dont le rôle est de protéger le cerveau de ce qui circule dans le sang. Ces rats présentaient aussi des altérations significatives de cellules cérébrales.

Source: Temps Présent, TSR, opus citatum.

Sur un plan plus général, la Commission européenne a mandaté un consortium de laboratoires de biologie pour étudier l'effet de l'irradiation in vitro de cellules humaines ou animales. De nombreux effets différents sont envisagés et des cellules d'origines diverses sont utilisées. Aux fréquences normalement utilisées par les téléphones portables, le seul effet résultant de l'absorption de rayonnement électromagnétique est un échauffement des tissus. Bien que l'énergie du rayonnement des OEM d'un portable soit trop faible pour altérer directement les molécules d'ADN, l'étude révèle que des brisures de chaînes simple ou double d'ADN sont observées dans certaines cellules humaines ou animales. Ceci pourrait être associé à la libération d'oxygène réactif dans les cellules, effet qui est également observé.

Source: «Risk Evaluation of Potential Hazards from Low Energy Electromagnetic Field Exposure Using Sensitive in vitro Methods», rapport QLK4-CT-1999-01574/REFLEX.

En conclusion, les méfaits éventuels liés aux portables ne sont ni bien établis, ni totalement exclus. On recommandera donc aux utilisateurs, surtout s'ils emploient fréquemment leur téléphone portable, de garder leur appareil dans une poche éloignée de leur tête et d'utiliser une oreillette, l'intensité des champs électromagnétiques décroissant avec le carré de la distance. Ainsi, en gardant son téléphone à 50 centimètres de son oreille plutôt qu'à un centimètre, l'exposition des tissus cérébraux est cent à mille fois plus faible. Il convient aussi d'éviter de prolonger la communication lorsque la réception n'est pas excellente, notamment à l'intérieur d'un bâtiment ou d'une automobile.

_Claude Joseph & Dr Rezo